- SIMPLE ! SIMPLE ! MAIS ECOUTE-MOI BON SANG ! SIMPLE !
- ATTAQUE ! ATTAQUE ! MAIS ATTAQUE ! OUAIS ! COMME CA ! OUAIS !
- MAIS PUTAIN SIMPLE ! REVEILLE-TOI BORDEL ! TON GYAKU ! CONTRE EN GYAKU !
Bon, inutile d'aller chercher à comprendre lequel des deux gamins va gagner le match. Les deux sortent en pleurant, c'est le karaté qui est perdant. Deux coachs hystériques, ça fait deux gamins écrasés par une pression qu'on ne mettrait même pas à des seniors qui jouent en première au rugby !
Pendant quelques années, j'ai été un coach comme ça. Pris au jeu de la compétition comme si j'étais moi même sur le tapis... Avec la pression au ventre et tout alors que je n'ai jamais coaché que des gosses dans un sport plus ou moins confidentiel ! En fait j'ai été comme ça jusqu'à ce que Serge Forstin se moque un peu de mon comportement et m'expliques un peu les choses... Avec le recul, je me sent très con. Quand je me revois faire tout un cirque parce qu'un arbitre bénévole s'est trompé... Parce qu'un adversaire a été plus rusé que mon élève... Et quand je passais des heures à cracher sur ceux qui, encore plus ridicules que moi, étaient prêts à tous les arrangements pour qu'un gosse obtienne une breloque... qui de ce fait même ne vallait plus rien !
Ce que m'a dit Serge était assez simple. A peu de choses près il m'a dit, tu vois, René, moi je ne coache jamais. Je fais en sorte que l'élève soit assez fort pour ne pas avoir besoin de moi. C'est lui qui combat. C'est son expérience qu'il se forge. Il ne faut pas essayer de combattre à sa place. Sinon il ne sera jamais fort. Il aura toujours besoin d'être assisté. Sans compter la pression que tu lui met avec tes exigences... D'après moi, il a bien assez à gérer sans que tu lui mettes dessus tes propres angoisses et frustrations !
Ce jour-là, j'ai bien reçu le message. L'épreuve de la compétition, seul le compétiteur doit la vivre. L'entraîneur doit apprendre à rester à sa place. Tout comme les parents, qui parfois s'y substituent... Il faut savoir s'effacer, laisser l'enfant vivre sa vie. Mais il n'est pas si simple pour nos égos d'accepter que nos enfants, nos élèves, ne soient pas "à nous". Les plus exigents ? Ceux qui n'ont jamais fait la moitié de ce qu'ils imposent, sous prétexte de faire le bien et par frustration de ne pas avoir réussi à le faire soi-même. Qu'un enfant soit simplement heureux ? Non... Il ne sera heureux que s'il est le meilleur et il le sera car c'est le mien.
L'école nous donne l'exemple. On a pas le droit d'y rentrer pour voir comment nos gosses s'y comportent et c'est pas pour rien. Pour le Bac, les profs n'ont pas non plus le droit d'assister aux épreuves ou aux corrections, pour voir comment les élèves s'y prennent ou mettre la pression sur les correcteurs. C'est pas pour rien non plus. Ce que l'on a compris pour l'éducation, on ne le comprends pas toujours pour le sport. Alors que le seul intérêt du sport amateur c'est de contribuer à l'éducation !
Serge Forstin... Parce que votre éducateur a aussi eu besoin d'être éduqué !